Un projet pour explorer comment les communs transforment l’action publique en Europe
Italie, la créativité juridique au service des biens communs ? (février 2019)

Dans un contexte de vagues de privatisation des biens et des services publics et de politiques d’austérités des dernières décennies, l’Italie a vu dans les années 2000 l’émergence d’un mouvement social autours des communs urbains, et les citoyens interroger la gouvernance des ressources les concernant.

L’histoire récente des communs en Italie est marquée notamment par la définition de la catégorie juridique de bien commun par la commission Rodotà, instituée par le Gouvernement Prodi en 2007 : des « biens qui comportent une utilité fonctionnelle pour l’exercice des droits fondamentaux et le libre développement de la personne ». Si la loi qui devait traduire le travail de la commission dans le droit italien n’a jamais été adoptée, celui-ci a tout de même largement alimenté les débats et les actions citoyennes dans le pays, comme par la suite en 2011 le référendum national sur l’eau bien commun, au cours duquel 95 % des votants se sont exprimés pour que l’eau reste publique.

Ces deux événements ont contribué à forger un contexte pour une multitude d’initiatives, de réflexions politiques et théoriques sur les communs qui se déploient aujourd’hui, marquées en particulier par des nouvelles élaborations dans le domaine juridique.

La charte de Bologne est emblématique de ce mouvement : un pacte élaboré en 2014 par un laboratoire de juristes et la municipalité, prenant l’opportunité d’un vide juridique pour offrir un cadre à « la collaboration entre les citoyens et l’administration pour l’entretien et la régénération des biens communs urbains »; le pacte est un engagement réglementaire permettant à des personnes, physique ou morales ou des collectifs non institués, de participer eux-mêmes à l’exécution d’une partie des missions d’intérêt général, de service public, avec l’appui et sous le contrôle de l’administration. Près de 180 pactes de coopération diverses ont été conclus ; un vaste programme de co-gouvernance urbaine a vu le jour, avec l’objectif de jeter les bases d’une « co-city », écosystème de collaboration pour répondre aux besoins fondamentaux de la population en développant l’économie coopérative locale et les collaborations entre les secteurs public, privé et commun.

L’initiative a également inspiré bien d’autres villes, comme Turin ;  La ville porte le projet Co-City (EU Urban inovative action), qui s’attache à explorer comment la gestion des ressources sous forme de communs au travers de l’instrument légal des pactes, permet d’apporter des réponses à la pauvreté et aux fractures socio-spatiales. Cet objectif oriente aujourd’hui l’ensemble des pactes développés avec l’appui de la municipalité.

Parmi les questions que nous allons explorer pendant cette première expédition :

1 – Un nouveau rôle et de nouvelles modalités d’action pour l’acteur public ? Comment l’acteur public intègre-t-il son nouveau rôle d’inter-médiateur et d’appui aux initiatives de communs auto-organisées ? Comment, dans une diversité de contextes locaux, les mécanismes juridiques permettent ils une redistribution des pouvoirs, les nouvelles modalités partenariales, etc. ? Dans quelle mesure peuvent-ils être source d’inspiration pour les acteurs français ?

2 – Élargir l’espace démocratique, trouver de nouvelles réponses aux enjeux des territoires … ou accompagner le retrait des acteurs publics?  En promouvant l’engagement direct des citoyens, les pactes permettent-ils de trouver de nouvelles réponses aux défis sociaux, économiques, etc. ? Comment ces initiatives viennent-elles requestionner la portée de l’action publique? Posent-elles le risque d’une déresponsabilisation des institutions publiques, s’appuyant finalement sur les citoyens pour assurer le maintien de services collectifs dont elles se dégagent ?

3 – Poser un nouveau récit politique ? Cette approche des communs peut-elle participer à la reconstruction d’un récit politique fort dans un contexte de crise démocratique? La multitude d’initiatives portée par des pouvoirs locaux parvient-elle à plus large échelle – nationale, européenne, à faire mouvement ? Derrière une approche par les communs qui est loin d’être générique, quelles controverses, quelle diversité de visions de l’action publique peut-on lire?

Le programme du voyage est à retrouver ici et le journal de bord ici


 

Nos sources d’inspirations pour cet article : 

Dieuaide, P., Negri, A., Vercellone, C. (2012). Le Commun, c’est un “faire ensemble”. EcoRev’, 39(1), 64-69 : https://www.cairn.info/revue-ecorev-2012-1-page-64.htm?contenu=article

Favero, I. F. (2015, 14 juillet). Festival de Chieri, jouer avec la grammaire des communs — Remix Biens Communs : https://wiki.remixthecommons.org/index.php?title=Festival_de_Chieri,_jouer_avec_la_grammaire_des_communs

Lucarelli, A. (2018). Biens communs. Contribution à une théorie juridique. Droit et société, 98(1), 141-157 : https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe-2018-1-page-141.htm

Lucarelli, A., Morand-Deviller, J., (2014, 23 avril). Biens communs et fonction sociale de la propriété, Revue du Mauss permanente : http://www.journaldumauss.net/?Biens-communs-et-fonction-sociale-1118

Vercellone, C. (2012). Du Welfare au Commonfare: Sortir de la crise de la dette par le haut. EcoRev’, 39(1), 50-56 : https://www.cairn.info/revue-ecorev-2012-1-page-50.htm

 

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