Au fil des voyages, nous avons commencé à dessiner un répertoire des postures d’acteurs publics face aux communs, ainsi que des exemples de scénarios pour aller plus loin. Voici le fruit de nos cogitations, à télécharger ici, avec un peu plus d’informations sur les exemples donnés ci-dessous ; ou encore ici sous la forme de cartes à réaction (à imprimer récto-verso et à découper).
L’acteur public partenaire de communs
L’acteur public s’implique, de manière horizontale, aux côtés d’autres acteurs pour co-gérer un commun.
Et par exemple ? Naples et la gestion de l’eau en commun ; Des crèches en gouvernance partagée en Matheysine ; …
L’acteur public est à l’initiative de la mise en commun de ce qu’il produit ou possède (espaces, données, etc.)
Et par exemple ? Decidim, une plateforme open source sous l’impulsion de la mairie de Barcelone
L’acteur public facilite l’émergence de communs en mettant en place des formes de régulation (lois, règles, etc.) qui les encouragent, sur le territoire ou au sein de l’administration.
Et par exemple ? A Barcelone, dans le cadre de sa première mandature, Ada Colau a déployé des standards éthiques et de transparence pour les projets numériques de la ville ; La loi Transition énergétique pour la croissance verte ; …
Des scénarios pour traduire cette posture ?
Des administrations open source? Les administrations pourraient généraliser l’usage de technologies open source pour l’ensemble de leurs infrastructures numériques. Elle pourraient également imposer une licence ‘creative commons’ pour les projets qu’elles développent, ou même qu’elles soutiennent. Elle pourraient enfin introduire des clauses ‘communs’ dans leurs marchés publics pour favoriser la sélection des acteurs des communs dans le cadre de ceux-ci.
Des plateformes pour mutualiser des innovations, du temps d’agents, des outils entre collectivités voire plus largement ?
L’acteur public met à disposition des outils et/ou des ressources (argent, foncier, etc) pour aider les commoners. Il soutient les initiatives citoyennes, sans forcément utiliser la notion de communs comme critère d’aide.
Et par exemple ? Le projet de la ferme du chant des cailles à Bruxelles ; L’AMI ‘Fabrique de Territoires » du CGET qui vise à soutenir financièrement, sur une période donnée, des lieux et dynamiques pré-existants que l’on appelle “tiers-lieux” et qui favorisent l’apprentissage par le faire, de nouvelles pratiques collaboratives, la transition écologique, etc.
Des scénarios pour traduire cette posture ?
Des aides conditionnées au fait d’être un commun? L’acteur public pourrait décider que certaines aides ou appels à projets, soient réservés ou conditionnés au fait d’être reconnu comme “commun”. Cette décision s’inscrit dans une volonté de reconnaître les communs et doit être précédée d’une phase de reconnaissance, voire de labellisation.
L’acteur public facilite les communs en assumant un rôle d’intermédiation entre les parties prenantes de son territoire: il identifie et connecte les ressources et les acteurs, construit des solutions pour permettre la rencontre entre les propositions des citoyens et l’administration, invente de nouvelles interfaces avec les habitants. Il adopte ainsi de nouveaux métiers, de nouvelles postures (plus d’écoute, moins de formalisme, etc.) mais aussi de nouveaux cadres juridiques et techniques.
Et par exemple ? A Gand, le Policy Participation Unit (PPU) créé en 2003 est composé de 20 «neighbourhood managers» (des responsables de quartiers) : chacun d’eux a en charge un quartier dans lequel il fait office d’intermédiateur entre les habitants, l’administration et le politique ; En France, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) a co-initié, avec un collectif d’acteurs des tiers lieux, l’initiative “Agir par les communs” ; etc.
Des scénarios pour traduire cette posture ?
Généraliser les appels à communs: L’appel à projet semble mal adapté pour soutenir les communs. Leur alternative, les appels à communs, cherche à stimuler la mutualisation plutôt que la mise en compétition, la décentralisation du pouvoir, ainsi que la relation financeur / bénéficiaire très verticale. Ils proposent par exemple de mettre une partie des financements de l’appel à communs dans le développement d’une communauté entre les acteurs qui y répondent, de favoriser le développement de ressources mutualisées, la mise en réseau, de refuser le principe de concurrence en soutenant l’ensemble des initiatives, etc. Ils peuvent également adopter des principes de transparence, de gouvernance ouverte et d’évaluation partagée.
L’acteur public se saisit ainsi des communs comme d’un nouveau récit pour le territoire, promouvant les valeurs de partage, d’horizontalité et d’auto-gestion.
Et par exemple ? A Gand, le Maire Michel Termont avait déjà créé différents leviers au sein de son administration pour soutenir les initiatives citoyennes, comme le Policy Participation Unit. En 2017, il a fait appel à Michel Bauwens, fondateur de la Peer-to-Peer Foundation et l’un des chercheurs emblématiques du mouvement des communs, pour cartographier les communs à Gand et construire un plan de transition vers les communs: celui-ci décrit les possibilités et le rôle de la ville en tant qu’autorité locale dans le renforcement des initiatives citoyennes. Le maire a souhaité ainsi donner plus de poids à une économie durable à Gand.
Des scénarios pour traduire cette posture ?
Un Label ‘communs’ ? L’acteur public pourrait décider de recenser tous les communs de son territoire pour les mettre en avant et les proposer comme modèle. Il pourrait par exemple créer un label qui certifie qu’une certaine ressource (lieu, logement, coopérative, etc) est gérée en commun, et donner ainsi de la visibilité à certaines initiatives (sans forcément la traduire en subsides).
Les politiques publiques évaluées à l’aune des communs ? Les communs pourraient être intégrés dans les indicateurs d’évaluation des projets et des politiques publiques portées par l’acteur public, voire en devenir la matrice : permettent-elles d’expérimenter une répartition plus décentralisée du pouvoir ? D’intégrer une plus grande diversité de parties prenantes dans la gestion des ressources ? De créer de nouvelles formes de d’alliances plutôt que de la compétition entre les acteurs du territoire ?
Une comptabilité publique des communs ? Valoriser la richesse créée par les projets de communs, ainsi que les économies que ceux-ci permettent à la collectivité, pour faire émerger de nouveaux indicateurs et de nouvelles possibilités d’investissement (cf. Peer to peer foundation Accounting for planetary survival).
L’acteur public ne s’implique pas dans la gestion des communs, il ne soutient pas les initiatives citoyennes qui émergent mais ne s’oppose pas non plus à leur création. Les communs existent donc en parallèle de l’action publique, ne sont pas soutenus mais tolérés.
Et par exemple ? Les AMAP, des communs entre producteur et consommateur autour de l’alimentation.
L’acteur public se pose en obstacle aux initiatives de communs et aux commoners, en faisant primer par exemple les notions de propriété privée, de sécurité, de responsabilité de la puissance publique, etc. Co-administrer certains pans de l’action publique bouscule en effet fondamentalement certains piliers de l’acteur public : sa responsabilité face aux risques, le statut de ses contributeurs, la perméabilité avec le secteur marchand, etc…
Et par exemple ? La ZAD, un modèle alternatif d’exploitation agricole tué dans l’oeuf.